JESUS ET TITO
03/06/2010 |
La mère voue un culte à Jésus quand le père ne jure que par Tito. Pour Velibor, six ans, le choix est fait. Ses dieux à lui sont ceux du stade et, dans les années 1970, ils sont forcément brésiliens. La preuve : il ne faut pas moins de quatre vignettes Panini Dzajic pour en obtenir une seule de Pelé au petit marché noir de la récréation. Quant aux deux premiers, le gamin a le cœur qui balance et des décisions graves à prendre : les tartines au miel de sa mère après le Je vous salue Marie ou le foulard rouge que l'on reçoit en devenant un pionnier de Tito ? Il tranche : « Quand on mange bien, c'est du catholicisme. Et si on n'a rien à manger mais qu'on chante et qu'on danse, c'est du communisme.»
Les souvenirs de Velibor Colic, né dans la Yougoslavie de Tito, de cette partie devenue aujourd'hui la Bosnie, ont l'allégresse communicative. Du Kusturica couché sur papier. Comment ne pas succomber à ce Petit Nicolas de l'Est qui se rêve écrivain quand le numéro dix lui échappe, qui fait les 400 coups avec sa bande de copains et qui bientôt regardera les filles avant de comprendre « que les femmes, c'est un truc compliqué à gérer».
Joies enfantines
L'auteur parle d'un roman inventaire pour décrire ce drôle de petit livre qui plonge le lecteur dans une époque à la fois proche et lointaine. L'enfance et l'adolescence ici décrites ne sont pas loin de celles que nous avons connues. Joies enfantines, passions de gosses, émois adolescents jusqu'à la perte des premières illusions. On suivra l'enfant jusqu'au service militaire où il rentre yougoslave et sort croate. En une myriade de chapitres courts qui sont autant d'instantanés aigus, sans jamais se départir d'un humour vif teinté d'une belle gravité, Velibor Colic dépeint son pays natal à une époque précise, juste avant que la Yougoslavie ne vole en éclats. Jésus et Tito est son septième roman et le second écrit directement en français, récit fébrile et attachant qui n'a rien perdu de sa puissance narrative au passage de la langue.
Jésus et Tito de Velibor Colic, Gaïa, 192 p, 17 €.