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BLOG DE L'ADOLESCENCE
28 juin 2011

ANOREXIE : HOSPITALISATION NÉCESSAIRE !

“A 30 kg, l’urgence est médicale avant d’être psychologique” : Marcel Rufo, pédopsychiatre, spécialiste de l’adolescence

Marcel Rufo, pédopsychiatre spécialiste de l'adolescence.

 
Marcel Rufo, pédopsychiatre spécialiste de l'adolescence
Marcel Rufo, pédopsychiatre spécialiste de l'adolescence SIPA

FRANCE-SOIR Peut-on faire une erreur de diagnostic sur une anorexique qui se présente aux urgences ?
MARCEL RUFO Ça me semble difficile. Quand une jeune fille pèse 30 kg et n’a pas de cancer, il n’y a pas d’autre option. Le problème est ailleurs : paradoxalement, les cas extrêmes d’anorexie suscitent un rejet de la part de beaucoup de médecins.

F.-S. Pourquoi ?
M. R. L’anorexie est le seul cas ou le patient aime sa maladie. Les jeunes filles, souvent, ne veulent pas se soigner et sont capables de toutes les manipulations pour tromper les médecins. Dans n’importe quelle autre maladie, le patient collabore. Trop souvent, les anorexiques sont considérées comme responsables de ce qui leur arrive. Comme si elles avaient choisi de ne plus manger. Hélas, la maladie est plus forte qu’elles. Il ne faut pas leur en vouloir de leurs stratégies d’évitement, qui font partie intégrante des troubles de l’alimentation.

 

F.-S. Quelles sont-elles, ces stratégies ?
M. R. Elles cachent les aliments, font semblant de manger, parlent beaucoup de nourriture pour tromper leurs interlocuteurs. Elles promettent, manipulent… Le mécanisme fonctionne malgré elles. Et lorsque la manipulation échoue, elles s’effondrent. Tant qu’elles manipulent, elles sont vivantes. A l’hôpital, par exemple, au moment de la pesée, certaines boivent deux ou trois litres d’eau pour augmenter temporairement leur poids. Il faut penser à surveiller le ballonnement de leur ventre. Avec l’anorexie, il faut être extrêmement vigilant à tout. Et, surtout, il faut soigner la maladie, mais ne pas attaquer l’anorexique.

F.-S. Aurélie est morte d’un arrêt cardiaque. Est-ce une cause fréquente de décès chez ces patientes ?
M. R. Les décès représentent entre 5 et 22 % des anorexiques. Les autres guérissent, même si 40 % d’entre elles rechutent avant de guérir totalement. Plusieurs causes médicales sont responsables des décès, comme un affaiblissement de la résistance de l’organisme aux infections pulmonaires par exemple. Les troubles cardiaques interviennent souvent lorsque les jeunes filles se font vomir. Le cœur est un muscle, qui peut donc maigrir et rétrécir. De plus, ces patientes manquent de potassium, qui alimente le moteur électrique cardiaque. Le rythme cardiaque se ralentit. Les vomissements forcent alors sur un cœur épuisé.

F.-S. Que devrait faire un service d’urgence non spécialisé lorsqu’il voit arriver une jeune fille autour de 30 kg ? Certains les transfèrent immédiatement en psychiatrie…
M. R. Dans ces cas-là, l’urgence est médicale avant d’être psychologique. Et c’est un psy qui vous le dit ! La seule chose à faire est de les envoyer en réanimation, de leur poser une sonde pour les alimenter et de surveiller leurs paramètres organiques. Mais cela implique de les accueillir sans peur, et avec bienveillance. Ensuite, quand elles ont repris 3 kg, on peut les transférer dans une unité spécialisée qui offre une prise en charge globale, tant sur le plan psychologique, qu’endocrinologique. Elles auront alors la force psychologique pour l’affronter.

F.-S. Vous voulez dire que le fait de se sentir mieux physiquement suffit à leur donner envie de guérir ?
M. R. Vous n’imaginez pas à quel point 3 kg peuvent agir comme un antidépresseur !

F.-S. Ce qui est arrivé à Aurélie vous semble-t-il exceptionnel ?
M. R. Heureusement, ça l’est. Mais cette histoire est emblématique de la nécessité de se trouver à proximité d’un bon service de réanimation quand tous les paramètres organiques d’une anorexique s’effondrent. En réalité, l’hôpital devrait proposer un minimum de sept à huit lits affectés à cette maladie dans chaque région. Or ce n’est pas le cas.

Une prise en charge souvent déficiente

Négligence ou manque de formation ? De nombreux hôpitaux ne prennent pas suffisamment en compte les symptômes spécifiques de cette maladie parfois mortelle.
Léa, 16 ans, est hospitalisée quatorze jours dans un service de médecine générale à la demande de son médecin traitant, alors qu’elle n’avale plus rien depuis des semaines. Sur son premier plateau-repas : des œufs mayonnaise. Une infirmière l’oblige à manger. La jeune fille se fera vomir quotidiennement et quittera l’établissement plus déterminée que jamais à se priver de nourriture.
Que dire de Céline, 14 ans, 38 kg pour 1,64 m, qui s’entend dire, lors d’une consultation spécialisée : « Vous n’êtes pas assez atteinte pour qu’on vous garde »… Elle en ressort comme si on lui avait lancé un défi : maigrir plus pour être prise au sérieux.
Et Caroline, 17 ans, hospitalisée en… néonatalogie, au milieu de nouveau-nés à problèmes. « Les infirmières se montraient plus préoccupées par les bébés que par les adolescentes », raconte sa maman.
Sylvie, une autre mère désemparée, fait le récit de son arrivée aux urgences psychiatriques, avec sa fille de 33 kg : « Il n’y avait pas de lit disponible, on nous a juste renvoyées à la maison après cinq heures d’attente. »
Enfin, Luce, 18 ans, a fait une tentative de suicide avec la provision d’antidépresseurs et d’anxiolytiques confiée par… l’hôpital.

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