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BLOG DE L'ADOLESCENCE
5 octobre 2010

SEXUALITÉ DES ADOS ET ACCÈS A LA PORNOGRAPHIE

L'accès à la pornographie brouille la sexualité des ados

Par Martine Laronche, Le Monde du 14/08/2010

La pornographie, première source d'information sexuelle des adolescents ? La plupart des jeunes ont visionné des films X, que ce soit à la télévision ou sur Internet. Pour contrer l'influence de ces images, un groupe d'amis a lancé, en juin, deux sites dont l'objectif est d'apporter une vision structurante de la sexualité et de la relation à l'autre.

Des premiers baisers de plus en plus précoces

L'âge médian du premier baiser s'est beaucoup abaissé en l'espace de cinquante ans. De 17,5 ans pour les femmes et 16,6 ans pour les hommes âgés de 60 à 69 ans, il est passé à 14,1 ans pour les filles et à 13,6 ans pour les garçons de 18 et 19 ans.

Quant à l'âge de la première relation sexuelle, l'écart entre les hommes et les femmes se resserre : le premier rapport est intervenu à 18,8 ans pour les hommes de 65 à 69 ans contre 17,2 ans pour les plus jeunes. Pour les femmes, il est passé de 20,6 ans à 17,6 ans. Par ailleurs, les pratiques sexuelles se sont diversifiées. La sexualité orale, cunnilingus et fellation, a connu "une diffusion spectaculaire", selon l'enquête "La sexualité en France" réalisée pour l'Inserm.

L'un est gratuit et s'adresse aux parents (Educationsexuelle.com), l'autre, payant (Educationsensuelle.com ; 3 euros pour un mois, 6 euros pour six mois), cible les adolescents. Plusieurs films pédagogiques conseillent les adolescents sur le baiser, les caresses et les attitudes sensuelles, l'impact des mots, l'amour dans le respect de l'autre. Pudiques - la seule nudité visible est la poitrine - mais explicites, ces petits films en noir et blanc mettent en scène les ébats de deux jeunes gens. Par ailleurs, des experts, psychologues, sexologues, pédiatres, gynécologues, mais aussi un acteur de films X, témoignent sur ce qu'est la sexualité dans la "vraie vie".

67 % des garçons de 14 ans (77 % de ceux de 15 ans) ont vu au moins une fois un film pornographique, 36 % des filles du même âge (45 % de celles de 15 ans), selon les derniers chiffres disponibles (étude Inserm dirigée par l'épidémiologiste Marie Choquet, en 2003, à la demande du CSA). Les garçons sont non seulement plus nombreux à regarder des images X, mais ils sont aussi plus assidus : près d'un garçon de 14 à 18 ans sur quatre a vu au moins dix films dans l'année, pour une fille sur cinquante.

Quelles sont les répercussions sur leur sexualité future ? L'enquête ne le dit pas. En revanche, les garçons qui visionnent régulièrement ces images boivent plus d'alcool que les autres et font presque deux fois plus de tentatives de suicide (sans qu'on puisse établir à ce stade de lien de cause à effet). Pour Nathalie Bajos, sociologue et démographe, directrice de recherche à l'Inserm, qui a codirigé l'enquête, en 2006, sur la sexualité en France, la pornographie est "une influence parmi d'autres", comme celles des médias, de la famille, de l'école ou des copains. "Elles peuvent entrer en contradiction. Ce n'est que si les adolescents sont exposés à des sources normatives qui vont dans le même sens que la pornographie risque de structurer l'entrée dans la sexualité", précise-t-elle.

Un avis partagé par Sylvain Mimoun, gynécologue-andrologue, à Paris. "Toute la difficulté, c'est quand les adolescents se retrouvent en circuit fermé et qu'ils n'ont pas d'autres références, pas de parole d'adultes autour d'eux pour leur dire que ce n'est pas cela, la vraie sexualité", considère-t-il. Ceux qui n'ont pas d'autres points d'appui considèrent alors que bien faire l'amour, c'est faire comme dans les films pornographiques. Ces modèles peuvent renforcer des angoisses chez certains jeunes à l'orée de leur sexualité : peur d'avoir un sexe trop petit, peur de ne pas être à la hauteur. "Pour le garçon, il s'agira d'avoir une érection le plus longtemps possible, pour la fille d'avoir un orgasme et d'accrocher son partenaire par des pratiques sexuelles variées comme la fellation et la sodomie même si elle n'en a pas envie", analyse le gynécologue-andrologue.

"Le modèle que délivrent ces films est celui d'une sexualité très parcellaire, fondée sur des pratiques mécaniques et déshumanisées, avec une image de la femme très dégradée, analyse Joëlle Mignot, sexologue et psychologue clinicienne. Elle ne donne pas du sens à la sexualité ." La sexologue rencontre de plus en plus de jeunes adultes (mais aussi des personnes plus âgées) dans un processus addictif ou semi-addictif aux films X. "Ils se sont construits dans une sexualité de consommation, changent souvent de partenaires. Cela leur pose problème dans la construction d'une vraie relation à l'autre", explique-t-elle.

Les préadolescents sont pour leur part confrontés à des images pornographiques de plus en plus tôt. Avant 13 ans, il n'est plus rare d'avoir vu un film pornographique, souvent par l'intermédiaire d'un téléphone portable. Ces images peuvent perturber les plus fragiles. Béatrice Copper-Royer, psychologue clinicienne, reçoit des adolescents en souffrance. Comme ce garçon de 13 ans qui regardait des films X seul et "prenait ce qu'il voyait pour argent comptant. Cela l'excitait terriblement mais l'inquiétait aussi".

Les filles entre 11 et 13 ans peuvent aussi être perturbées. "Elles disent toujours qu'elles ont accédé à ces films par hasard en recherchant par exemple des informations pour un exposé. Elles en ressentent une grande culpabilité avec un mélange de fascination, d'excitation, de peur et d'anxiété", constate Béatrice Copper-Royer.

Mais il n'est pas toujours facile d'aborder le sujet en famille. "Il faut vraiment s'acharner sur l'éducation. Dire aux enfants que les films pornographiques, qui mettent en scène une sexualité marginale, de groupe, violente, n'ont rien à voir avec la vraie sexualité", déclare Christian Spitz, pédiatre connu pour avoir participé dans les années 1990 à l'émission "Lovin'fun", sur Fun radio. L'enjeu pour le parent ou l'adulte n'est pas de parler de son intimité, mais de faire émerger les questions qui préoccupent les adolescents.


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La Sexualité en France,

sous la direction de Nathalie Bajos et Michel Bozon, éd. La Découverte, 2008.

La Sexualité en France,

sous la direction de Nathalie Bajos et Michel Bozon, éd. La Découverte, 2008.

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