LE PREMIER AMOLUR

Eliette Abécassis
21/01/2010 | Le figaro

«Le premier amour» de Véronique Olmi - Un livre nostalgique qui rend gai, un livre tragique qui rend idéaliste.

Émilie Beaulieu, femme mariée d'une quarantaine d'années, est en train de préparer un dîner en amoureux pour son anniversaire de mariage. Mais par hasard, elle découvre, en lisant le papier journal qui entoure la bouteille de vin, une petite annonce qui s'adresse probablement à elle, et qui vient de la nuit des temps : d'un homme qu'elle a aimé étant jeune, son premier amour, et qui l'appelle à l'aide, en Italie.

Sans réfléchir, elle éteint le four, prend sa voiture et décide d'aller le rejoindre, jusqu'à Gênes. Le Premier Amour, récit de ce voyage vers le connu, est un roman écrit sous la forme d'un road movie, une traversée géographique et intérieure dans le paysage mouvementé de la femme. Ce paysage est celui de la relation d'Émilie à son mari, faite d'amour, d'habitude et d'ennui, du rapport doux-amer qu'elle entretient avec ses filles devenues grandes, et qu'elle a dû mal à voir partir, du lien organique, mimétique, vital avec sa sœur « qui a un chromosome en plus », et avec qui elle partage un grain de folie et de fantaisie qui fait d'elle un personnage marginal, rebelle, asocial, tels que les aime l'auteur. Et aussi, bien sûr, l'enfance, enfermée dans les carcans d'une éducation trop rigide et d'une maison fermée sur elle-même et sur ses principes. Ceux-ci furent heureusement remis en cause par le charme absolu et invincible des premiers regards, des premiers slows, des premiers émois sur le sable, de la première fois, avec Dario, dans les calanques de Marseille… Dario le charmeur, l'envoûteur, le jeune homme au regard perdu est-il resté le même que dans son souvenir ? Tout au long de la route, à bout de souffle, on avance dans l'intériorité de cette vie de femme, construite sur des mythes, le mariage, la maternité, la famille, qui peu à peu, sont pulvérisés par la vitesse et par la vie, et par ce vent de folie qui emporte Émilie, dans son désir de savoir pourquoi Dario l'appelle au secours. Et aussi, pourquoi, à partir de quelques mots, elle est prête à tout laisser tomber, mari, enfants, anniversaire, pour le retrouver.

Comment on se construit en étant femme, depuis l'adolescence jusqu'à l'âge mûr, sur quelles idées, quelles sensations, quelles émotions, et quels malentendus, on bâtit une vie : telles sont les questions soulevées par le palpitant livre de Véronique Olmi. Celle qui pratique l'art subtil d'explorer la féminité sous son côté non pas doux mais abrupt, violent, intransigeant, poursuit ici le fil de son exploration avec maestria.

Chemin de croix

Après Bord de mer et le thème de la violence de la maternité, La pluie ne change rien au désir et la déchirure de la sexualité, ou encore Sa passion, chemin de croix amoureux, Véronique Olmi aborde ici le thème de l'adolescence féminine avec une acuité, une profondeur, et une sensibilité qui sont le propre de l'auteur, maître dans l'exploration des sentiments et dans les portraits de femme, dans le sillage de Jane Austen ou de Henry James.

Ce livre est un livre qui donne envie. De vivre, libre, libéré de ses chaînes, sans entraves, comme dans l'adolescence. C'est un livre profond qui rend léger, un livre nostalgique qui rend gai, un livre tragique qui rend idéaliste. On ne sort jamais de l'adolescence, celle-ci nous habite toute la vie. C'est, plus que le début et l'aube, l'origine de tous les sentiments, sensations et émotions à venir. On ne doit jamais sortir de l'adolescence.

«Le premier amour» de Véronique Olmi, Grasset, 300 p, 18 €.