VIOLENCE ET ADOLESCENCE - EVIAN 2009
Colloque les 03 et 04 avril 2009
EVIAN-palais des lumières
La violence actuellement fait recette et devient un véritable objet socio-médiatique. Des montées de violences sporadiques et clastiques comme les crises dans les banlieues aux faits divers banals en passant par les violences scolaires quotidiennes, les médias se sont emparés de ce phénomène pour se faire l’écho d’une volonté politique de ségrégation et favoriser le discours de la victimisation. A l’orée du XXI° siècle, la violence semble jouer le même rôle que la folie à l’âge classique : elle interroge autant la psychiatrie, la psychanalyse, la sociologie, l’anthropologie, et le politique.
La violence est un phénomène complexe : constitutive de la subjectivité, la violence est une force de vie qui permet de maintenir une cohésion interne. Pourtant dans ses manifestations, elle est pouvoir de mort sur soi et sur l’autre, pouvoir de destruction individuelle ou collective. Il n’y a de sujet sans violence, mais cette violence n’est supportable que si elle trouve dans l’entourage familial et social, dans l’univers environnemental ses moyens de traitement. La recrudescence actuelle de toutes les formes de violences interroge sur les capacités de notre société post-moderne à transmettre les formes symboliques susceptibles de les pacifier. Il n’y a ni socialisation, ni éducation, ni institution sans violences. Comment peut-on penser aujourd’hui l’autorité et sa fonction de pacification quand la place et la parole de la figure paternelle tend à s’effacer au profit d’une valorisation des figures tyranniques de la consommation immédiate et sans limites du monde du marché ? Dans une société de jouissance sans entrave, où l’objet de satisfaction ne doit pas manquer, comment l’interdit qui est au fondement de la vie sociale peut-il fonctionner ? Face à la violence de la « désymbolisation » et face à la perte de certaines références identitaires et culturelles, comment les institutions familiales, scolaires ou éducatives peuvent-elles encore soutenir un cadre structurant et régulateur des tensions internes ? Dans le paysage urbain de plus en plus déserté par la vie sociale, comment échapper à l’errance triste et désabusée, désespérée ?
L’adolescence est un temps « de crise » où s’exercent sur le sujet adolescent de nombreuses pressions, tant au niveau de son corps avec les modifications pubertaires qu’au niveau des repères identificatoires entre les nouvelles demandes sociales auxquelles il est assujetti et les pressions pulsionnelles. Les liens qui jusque là étaient pris dans le réseau familial sont à retisser dans le réseau très complexe du social. Dans ce temps spécifique, le sujet se confronte à de nombreuses contradictions, parfois paradoxales qu’il ne peut résoudre le plus souvent que par des passages à l’acte. En manque de mots pour dire son malaise, le sujet adolescent bute à pouvoir conflictualiser les tensions qui l’assaillent. L’adolescent peine à assumer subjectivement sa souffrance et tend à la montrer par des actes ou passages à l’acte à ceux qui l’entourent, à l’adresser à celui qui s’offre en témoin : parent, éducateur, représentant de la loi…
La violence traduit un défaut de pensée autant dans le discours du sujet lui-même que dans le discours social ambiant : c’est toujours la rencontre d’au moins deux impasses langagières.
Nous proposons des regards croisés pluridisciplinaires qui permettront de fournir quelques éclairages et points de repères autour de ces manifestations, qui toujours désemparent et créent de la sidération. Du sentiment d’impuissance à la peur, de la colère à la haine, les violences de plus en plus graves et précoces entrainent de la rupture entre les générations: les parties concernées refusent le conflit et son élaboration pour rompre le contact et fermer toutes les possibilités de relations. Les violences générées répondent généralement aux violences subies. Il ne s’agit pas de stigmatiser ou reprendre les discours sécuritaires de victimisation, mais de prendre la mesure de la gravité des interactions en jeu dans le circuit des violences.
Ces journées proposent de mutualiser différents regards et expériences pour résister à la banalisation du phénomène, voire à la récusation de sa complexité, pour ouvrir un espace de parole et un champ de pensée à tous ceux qui se sentent concernés.